Des Pouponnières Coralliennes en République Dominicaine

La République Dominicaine, qui occupe la moitié Est de l’île d’Hispaniola partagée avec sa voisine Haïti, a tout d’une carte postale : stations balnéaires frangées de cocotiers et bordées de belles plages, eaux turquoise peuplées de poissons multicolores et d’une flore sous-marine d’une richesse et d’une diversité incroyables. Mais cette réalité paradisiaque est menacée.
Le changement climatique, la surpêche et le développement côtier affectent de plus en plus les écosystèmes marins, tout particulièrement les récifs coralliens, pierre angulaire de la vie marine et vecteur de stabilité socio-économique pour les 10 millions d’habitants de l’île.
Afin de pallier ce problème de manière durable, des « coral nurceries » ou « pouponnières coraliennes » ont été imaginées.
Les coraux, nos alliés
Les récifs coralliens abritent 25% de la vie marine mondiale et sont au cœur de l’équilibre biologique des mers et des océans. Ils abritent des milliers d’espèces marines. Ils sont aussi des remparts contre les phénomènes naturels violents tels que les cyclones, fréquents dans les îles, et permettent ainsi d’atténuer les effets du changement climatique.
Au-delà de leur contribution environnementale évidente, les coraux jouent également un rôle socio-économique d’une grande importance. En effet, selon France Diplomatie, « on estime qu’ils fournissent 120 milliards d’euros de « services » à l’humanité chaque année ».
En République Dominicaine, les coraux sont source d’emplois, de revenus et de nourriture pour les communautés locales. En tant que vivier de ressources halieutiques, les coraux contribuent à la sécurité alimentaire des populations, et permettent aux pêcheurs de gagner leur vie. Par ailleurs l’activité touristique en République Dominicaine dépend largement des plages de sable fin, des eaux cristallines et de la beauté des fonds marins tant prisés par les plongeurs du monde entier. Tout ceci dépend fortement de l’action des coraux, d’où l’importance de les protéger.
Les récifs coralliens en danger
Selon le Fonds Mondial pour la Nature (WWF), « un quart des récifs coralliens mondiaux a déjà subi des dégâts irréversibles, et deux tiers sont gravement menacés ». Le Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE) tire la sonnette d’alarme : les récifs coraliens des Caraïbes pourraient totalement disparaître d’ici 20 ans. En République Dominicaine, de nombreuses espèces de coraux sont en péril. Parmi elles se trouve le corail corne de cerf, espèce principale dans les Caraïbes, dont la population aurait diminué de 90% depuis les années 1970 selon le Grupo Puntacana Fundacion.
En plus des pressions naturelles, ce sont surtout les activités humaines en zones côtières qui détruisent les coraux, qui rendent pourtant des « services écosystémiques » souvent sous-estimés quand ils ne sont pas ignorés. Les complexes hôteliers ne cessent en effet de croître en République Dominicaine. L’urbanisation côtière, avec la construction croissante d’hôtels le long des côtes, occasionne un bouleversement des écosystèmes côtiers, et de fait des récifs coralliens. Les rejets terrigènes et autres substances évacuées, modifient la qualité des eaux, et de fait étouffent les coraux. L’activité touristique peut également être source de pression pour les récifs à cause de l’essor des sports nautiques, ou lors d’activités de plongée, lorsque les touristes collectent ou piétinent les coraux.
La surpêche est un autre facteur de destruction des coraux. En effet, les poissons et les oursins jouent un rôle vital dans la préservation des coraux puisqu’ils se nourrissent d’algues parasites qui les recouvrent. Cependant, à cause de la surpêche et de techniques de pêche destructrices au cyanure et à la dynamite, les coraux perdent leur protection naturelle, sont étouffés, et meurent.
Les coral nurseries, un concept innovant
Face à ces constats alarmants, des coral nurseries ont été imaginées en République Dominicaine afin de protéger les coraux et les multiplier. En 2004, la Puntacana Fundación, en partenariat avec Counterpart International, ONG qui aide les populations locales à bâtir un mode de vie durable, et l’Université de Miami, ont mis en place les premiers « coral nurseries », des pouponnières coraliennes qui ont pour objectif de protéger et d’accroître l’étendue des récifs coralliens grâce des systèmes de restauration et de replantation.
Comment ça marche ? Des fragments de quelques centimètres sont prélevés sur des récifs en bonne santé, puis cultivés dans des pouponnières, là où la qualité de l’eau est optimale, et sont enfin replantés dans les récifs endommagés lorsque le corail atteint une certaine taille. Ces pouponnières sont constituées de structures métalliques en forme de dôme, de plateaux ou d’échelles de corde à la verticale, où sont fixés les morceaux de coraux prélevés. L’opération ne nécessite que peu d’outils, et est ainsi parfaitement transposable dans les îles qui font face à la même menace. Les coraux ayant la capacité de se reproduire facilement, ils se développent donc sans peine le long de la structure. Il existe à Punta Cana plus d’une vingtaine de coral nurseries.
Un projet aux impacts multiples
Cette activité de jardinage sous-marin s’inscrit dans une dynamique d’économie circulaire et durable, dans l’intérêt de tout un chacun.
Cette culture permet en effet de booster l’activité touristique dominicaine, et promeut un tourisme durable, associant les touristes à la restauration des coraux. Dans cette optique, le programme Adopta un Coral de la fondation dominicaine Reef Check, propose d’adopter un corail, ce qui permet d’assurer le suivi du repeuplement des récifs, de susciter un sentiment de responsabilité chez les divers acteurs et bien sûr, de financer le programme.
Depuis 2004, la fondation œuvre pour la préservation des coraux en partenariat avec la société civile, des structures éducatives ainsi que des institutions gouvernementales et privées, dans le but d’œuvrer conjointement pour inverser la tendance. Ces actions permettent de faire émerger une cohésion sociale forte au sein de la communauté dominicaine à travers des programmes de sensibilisation notamment, dans les écoles et les localités. Enfin, les pouponnières sont source d’emploi et de revenus supplémentaires pour les foyers.
L’importance des récifs coralliens en République Dominicaine, et à plus grande échelle dans nos îles, n’est plus à démontrer. La protection des récifs coralliens est un enjeu de taille qu’il nous faut prendre au sérieux. Ce sont des barrières nous protégeant des aléas naturels, des réservoirs de nourriture, et source importante d’emploi dans nos économies insulaires.
La République Dominicaine l’a bien compris, et a su mettre en place un dispositif viable, durable et innovant, servant ses intérêts sociaux, économiques et environnementaux, tout ceci en parallèle d’un tourisme durable de plus en plus présent sur l’île.
Le projet n’est cependant pas isolé. Des expériences de bouturage du même genre existent dans d’autres îles, telles que les Seychelles, au large de l’île de Curieuse notamment, mais également aux Maldives, ou bien au Kenya sur le continent.